Il s’exporte dans le monde entier. La province même a le sien. Pourtant, il n’y a qu’un métro… et il est de Paris. Les parisiens en sont fous, qui l’utilisent par millions chaque jour. Il n’a pas la froideur inhumaine de celui de Moscou, il n’est pas compliqué comme celui de Londres ni nerveux comme celui de Tokyo.
Il présente mille facettes. Admirable comme la station Louvre ou sale comme la Gare du Nord après une journée de travail ; vide comme un après-midi à Pernéty ou grouillant comme Saint-Lazare à 18 heures ; d’une rigueur cistercienne comme à Cluny ou débraillé comme Place d’Italie…
Il est, avant tout, le reflet de la vie. Il est le sang de Paris, sa circulation. Ses artères sont en surface, ses veines, profondes. Lançant ses tentacules dans toutes les directions, véritable hydre, il permet à l’est de se répandre dans l’ouest, au nord de plonger vers le sud et à celui-ci de remonter vers le nord.
Tout cela sur fond de roman d’amour, car Paris est amoureux de son métro. Il fait partie de son histoire. Ils sont inséparables. Chansons, livres, films illustrent cette passion : « Une petite station de métro entourée de bistrots, Pigalle » chantait Georges Ulmer. La littérature avec Queneau qui y faisait voyager Zazie. Dans le film « Le Bataillon du ciel », un des héros hume un ticket de métro pour garder le moral pendant la guerre.
L’amour est exigent et n’est pas sans nuages. Le passager rêve de voyages idylliques. Il imagine des moyens de transport qui seraient des oasis hors du temps. Elles le véhiculeraient dans une bulle qui le protégerait des agressions extérieures. L’usager du métro idéalise son mode de transport favori. Il l’espère très différent du reste de la vie quotidienne, vacharde, agressive. Il paie sa place et, contre le prix du billet, veut être transporté sans histoire à bon port. Il aimerait, totalement pris en charge, se sentir l’enfant protégé dans le ventre de sa mère. Hélas ! La vie le rejoint dans les stations, les couloirs, les rames. Elle s’insinue là avec ses violences, ses bousculades, ses impatiences, ses odeurs, sa mauvaise humeur.
Le métro est un lieu de culture. Il est terrain d’aventures où les gens, au propre et au figuré, se frottent les uns aux autres, se rencontrent dans leur diversité. C’est l’endroit où vit la mémoire de Paris. Regardez tout ce qu’évoquent les noms des stations. Chansons, livres, films, expositions, manifestations sportives ou théâtrales, il y a une culture du métro. Presque une éducation.
Elle est perceptible avec la réalisation de véritables quasi-musées : les fresques de la Bastille, les gemmaux de Franklin-D. Roosevelt, les Rodin de la station Varenne, les statues de Louvre qui est l’antichambre du palais voisin, les autographes du plafond de Cluny-La Sorbonne, et aussi les vitrines qui parlent de sciences ou de techniques à Pasteur, à Champs-Elysées-Clémenceau ou à Jussieu.
Culture encore, les références cinématographiques. De « Dernier métro » avec Gaby Morlay à celui du trio « Deneuve-Depardieu-Truffaut », en passant, en particulier, par « Subway », « La guerre est finie », « Le Samouraï », « Les Gaspards », « Peur sur la ville », le métro a très largement inspiré les réalisateurs.
Eléments de culture également : l’histoire et l’anecdote.Cela va de l’incendie d’une rame qui fit 83 morts à la station Couronnes le 10 août 1903 à la tragédie de Charonne en 1962 au moment des événements d’Algérie ; des inondations qui submergèrent Quai de la râpée en 1910, aux bombardements de 1918 qui endommagèrent Campo-Formio, Corvisart, Saint-Paul et tuèrent 66 personnes à Bolivar le 12 mars 1918. Sans oublier le geste du futur colonel Fabien exécutant un officier allemand à Barbès le 21 avril 1941. Deux ans plus tard, un raid aérien sur Paris fera 403 victimes dans le tunnel, entre la Porte Saint-Cloud et le Pont de Sèvres.
Pour découvrir ce fabuleux monde souterrain où bât le cœur de Paris, il fallait bien se mettre au taupe-niveau.
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